PIERRE PILONCHERY

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QUELQUES LIEUX ET LEURS MOMENTS

Une interview par Stéphane Roy

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Une interview enregistrée le 15 février 2007 dans l'installation évolutive "Quelques Lieux et leurs Moments", au Bâtiment Z, un entrpôt désaffecté du quartier de la Confluence à Lyon. Elle est conduite pae Stéphane Roy, c'était la première de nos "Conversations", nous les nous avons poursuivies au fil des ans. Stéphane était alors un jeune étudiant en art à la Sorbonne. Il a depuis ajouté beaucoup d'autres "Conversations" à sa collection ( Edgar Morin, Hans Ulrich Obrist, Antony Gormley, Thierry Raspail, Emmanuel Tibloux...) et fait bien du chemin dans son travail d'artiste ( "the Mental Network" sa dernière exposition en 2020 à la Centrale for Contemporary Art Bruxelles ) et de commissaire d'exposition ( Roger Ballen novembre 2019-mars 2020, Bruxelles).


En peu de mots l'essentiel de mes préoccupations d'alors : sortir l'art des limites des lieux réservés à l'art, la désacralisation de l'objet d'art, le processus, l'addition, les notions de rencontres permanentes, de tissages, de croisements, John Cage, Fluxus, la vie quotidienne et l'univers, la question de la méthode, la couleur rouge, la place du spectateur, l'art action, l'art comme une expérience à vivre, l'art et la vie. Nous avons décidé, par respect de la vie installée dans ces moments de l'exposition, de laisser l'aspect brut de la conversation sans corrections des mots inaudibles parce que cachés par le son permanent de l'installation, des bégaiements et autres hésitations. L'interview donne à entendre un moment de l'exposition.




Q - Pierre Pilonchéry, bonjour!


R - Bonjour


Q - Nous sommes ici aux Temps d'Art au Bâtiment Z, à cette exposition organisée par de jeunes étudiants. Vous pouvez nous en parler un peu, au niveau de l'organisation?


R - Oui. En fait, c'est une invitation qui m'a été faite par des étudiants de l'IUP Métiers des Arts et de la Culture qui ont organisé pendant 2 semaines des résidences d'artistes éparpillées dans différents endroits de la ville de Lyon et dont l'objectif était, pendant ces 2 semaines, de faire sortir l'art des limites des lieux réservés à l'art, de montrer l'art en train de se faire, en action, et c'est sur cette donnée là que j'ai été invité, et j'ai répondu avec grand plaisir parce que je les ai sentis très très convaincus de leur projet, j'ai senti une équipe extrêmement dynamique la-dessus, ça m'a paru intéressant de les soutenir et de participer à tout ça.


Q - Est-ce que justement leur projet, leur organisation correspondent exactement avec votre travail à vous?


R - Oui, oui oui, tout à fait. Ce qui correspond, c'est l'idée d'abord qu'il y a une espèce de désacralisation de l'objet d'art. On n'est pas avec l'idée de montrer un objet d'art fini, achevé, on est plus dans l'idée de mettre l'accent sur le processus, comment le travail se met en place, quel est son évolution? Ici, dans ce bâtiment, dans cet entrepôt désaffecté, le travail a évolué jour après jour. Les surfaces, les 250m2 de surfaces de papier qu'on voit ici, se sont étalées, sont montées sous les plafonds, sont redescendues parce que l'humidité nous a joué de mauvais tours et que les surfaces se sont décrochées, bref il y a eu toute une vie qui s'est installée. Cette vie, on garde des traces par des films qui ont été faits, on en garde des traces aussi avec le son, le son qu'on entend derrière, et..., un travail qui a été fait par couches superposées, chaque jour les sons enregistrés sont additionnés aux jours précédents, et on a comme ça une nappe sonore, qui n'est pas un décor mais qui est bien la vie même des instants du travail qui ont eu lieu ici, puisqu'on était quand même un certain nombre pour installer.


Q - D'accord! Donc en fait, on est toujours dans un... on n'est pas vraiment dans une exposition, on est plus dans un processus de création constant.


R - C'est ça!


Q - Par exemple, en ce moment, on est en train de créer, de continuer l'exposition.


R - Tout à fait! Tout à fait!C'est un processus constant. Ce qui se passe là maintenant entre nous deux est aussi enregistré, et tous ces instants s'additionnent, c'est la même chose que sur ces petites surfaces, c'est un ajout ou addition de plein plein de petites choses, qui comme ça tisse de grandes grandes surfaces, à l'image un petit peu du monde, le monde est aussi fait comme ça, il est fait de pleins de petites choses qui sont autour de nous, ces petites choses s'additionnent à d'autres choses, et on a la surface du monde entier dans laquelle nous on existe.


Q - D'accord! Et par rapport donc à un autre artiste qui est avec vous, vous avez investi à votre manière justement le lieu qu'il s'est approprié.


R - Oui!


Q - Est-ce qu'on peut parler de fusion de vos travaux, est-ce que ça rentre dans...?


R - Il y avait une règle du jeu dans cette invitation à cette proposition, de..., c'était de faire travailler ensemble 2 artistes qui ne se connaissaient pas, de pratiques différentes, dans un lieu qu'on ne découvrait que le jour du début au fond de l'exposition où on nous a ouvert les portes et où nous avons pénétré là. J'ai rencontré Amaury, Amaury Jacquot, qui est un artiste de cirque. On ne savait rien l'un de l'autre, et, jour après jour, chacun a fait son travail, a regardé comment l'autre fonctionnait, et au final Amaury a occupé l'espace avec... avec ses suspensions, de la même manière que, ici, les suspensions qui sont là occupent l'espace, Amaury utilise son corps et déambule, fait des choses en équilibre, en déséquilibre instable, des choses comme ça. Il y a dans tout ça une espèce d'idée d'action en mouvement, des choses qui ne sont jamais figées. Nos travaux respectifs fonctionnent très très bien ensemble, je crois qu'il le voit aussi. En tous cas, nous avons projeté un jour ou l'autre de faire un travail ensemble quelque part.


Q - D'accord! Donc en fait finalement c'est peut-être le début de quelque chose.


R - C'est aussi un autre instant de la vie qui s'est installée là.


Q - On est là vraiment dans les instants de la vie...


R - C'est une notion de rencontres permanentes, de tissages, de croisements, de... de tout ce qui peut se passer soit dans nos... dans les choses qui sont là autour de nous, soit dans les gens, les personnes qui se croisent.


Q - D'accord! Mais justement, avant d'en venir à vos surfaces en elles-même, déjà une première question, ce serait d'abord de savoir comment en êtes-vous arrivé à aborder l'art dans votre jeunesse? Et déjà, également, quel a été votre première pratique et puis petit à petit que pensez-vous de l'art, comment votre pensée a-t-elle évoluer par rapport à l'art?


R - En fait l'histoire... c'est dur, c'est très difficile de pointer un début. C'est vrai que la chose artistique m'a toujours intéressé, c'est vrai que dans mon enfance il y avait toujours cet intérêt pour les choses visuelles. Très vite... je dirais que dès l'âge de 20 ans j'ai su que ma vie serait dans le monde de l'art. Pointer ma première oeuvre après mes expérimentations j'allais dire d'étudiant je crois que je peux le faire. En 1976 je travaille pendant 2 semaines, 8 heures par jour, en enregistrant des sons que je prends avec des objets de la vie quotidienne. J'enregistre sur des bandes magnétiques des morceaux de quelques secondes de sons, je les colle ensemble et j'obtiens comme ça cet espèce de... 3mn en fait, 3mn de musique sur lesquelles j'avais travaillé pendant 2 semaines 8 heures par jour. Donc il y avait déjà cette idée d'additionner plein de petites choses pour faire quelque chose qui fasse une surface sans début ni fin. Il y avait cette idée aussi déjà présente de travailler avec la notion de temps. C'est-à-dire le temps petit à petit additionne des instants et ce temps est nécessaire à faire ce travail. Ici il y a 250 m2 de surfaces de papier, pour tout l'ensemble de l'installation, 250 m2, 4h et demi de travail par m2, c'est pas une addition de chiffres pour faire sensation, c'est simplement pour dire que le temps existe, le temps... en faisant ça on prend le temps. On prends le temps c'est vivre ces instants là intensément. Je crois qu'en 1976 lorsque j'ai fait ce travail, dont la bande est perdue aujourd'hui et je le regrette, qui s'appelait « 3mn de musique », je crois qu'à ce moment-là j'avais déjà, sans en avoir tellement conscience, cette idée d'ajouts de morceaux de quelque chose à un morceau de quelque chose, et de tirer, de tisser comme ça des surfaces. Ce qui me paraît intéressant, c'est que moi qui suis un artiste au départ visuel, la première oeuvre que je pointe comme étant le fondement de mon travail est une oeuvre sonore. Aujourd'hui les 2 paramètres se retrouvent puisqu'ici on a le son, on a le visuel. Les moyens techniques d'aujourd'hui avec aussi la vidéo-projection etc..., me permettent de mixer tout ça, mais je suis d'une formation de musicien qui peut-être ressort, je ne sais pas, mais les choses sont inséparables. Le visuel, le son, le texte, au fond ce sont les mêmes types de pratiques.


Q - On retrouve un peu cet esprit je dirais pré-Fluxus avec notamment Cage avec le son et cette approche du monde de la vie par l'art, mais également un peu Nam June Paik. Vous vous sentez proches?...


R - Oui, bien sûr! Bien sûr! Si il y a eu des relations entre John Cage et moi, c'est bien parce que, effectivement, il y avait quelque chose à tisser à ce niveau là. C'est vrai que tout cet esprit Fluxus, tout cet esprit du flux de la vie, est très présent dans mon travail, et un artiste a déjà une histoire bien avant sa propre histoire. Mais d'un autre côté il y a peut-être un autre paramètre que je veux inclure dans mon travail, c'est, en plus de ces choses de la vie, de la banalité quotidienne, que déjà les gens de Fluxus se sont appropriées, c'est peut-être aussi toucher la vie jusqu'aux dimensions infinies de l'univers. Et ça c'est très important pour moi, c'est-à-dire le monde n'est pas simplement limité à notre vie quotidienne, notre vie quotidienne est un moment qui est celui de l'univers entier. Donc cette dimension de l'infini de l'univers entier, qui est présent ici bien sûr, c'est peut-être le moment qui m'intéresse le plus actuellement.


Q - D'accord! Et en fait comment en êtes-vous arriver finalement à ces surfaces?


R - Oh, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. En fait, il y a eu au départ un... L'idée, ça c'était vers la fin des années 70, 70-79, l'idée que, si je voulais travailler, il fallait que je puisse le faire même si j'étais fatigué et même si mentalement je n'étais pas prêt. Et dans les débuts de mon travail, ce que je faisais me demandait une concentration intense pour pouvoir fonctionner. Je me suis rendu compte que ça devenait très vite invivable. Donc j'ai compris très vite qu'il fallait que je m'impose des méthodes de travail pour pouvoir avancer dans ma pratique, quelles que soient les conditions physiques, quelles que soient mes conditions mentales. Et cette idée de méthode, c'est celle qui fait que je peux avancer, construire, faire quelque choses au fond sans... quelle que soit la situation dans laquelle je suis. Au départ les peintures sur toile que je faisais ont été coupées en bandes, les bandes tournées à l'envers, j'ai commencé à tisser ça, c'était en 79, et je me suis rendu compte que lorsque ma méthode de travail remplaçait les décisions de choix dans l'idée de composition j'arrivais à des choses beaucoup plus stimulantes, beaucoup plus proches, si vous voulez, du ciel étoilé et de tout le jeu aléatoire qu'il y a dans tout ça. On est à la fois dans une question de désordre, d'ordre, où tous les paramètres qui font l'univers étaient présents.


Q - D'accord! Donc vous aviez déjà une première approche avec le tableau. Finalement vous avez pris beaucoup plus de libertés en tissant vos toiles finalement?


R - Voilà!


Q - Et justement on a... Quand on regarde vos toiles, on a quand même un peu cette prédominance, je pense à ce que vous avez dit, ce caractère dynamique, on a une prédominance de la couleur rouge.


R - Oui!


Q - Rouge, un peu rose rouge et est-ce volontaire? est-ce voulu?


R - Tout à fait!


Q - Ou est-ce le hasard?


R - C'est voulu. Ici dans cet espace on voit là des lumières rouges qui ressortent beaucoup plus le soir lorsque la lumière du jour descend. En fait, au départ, la couleur rouge ça n'a pas été un choix, c'est une couleur qui s'est imposée à moi, naturellement. J'ai toujours eu le sentiment que le rouge serait la couleur qui resterait si on supprimait toutes les autres. Et, par la suite, lorsque je me suis rendue compte que le rouge était... Au fond, il y avait derrière des choses qui m'intéressaient. Lorsque j'ai su que le rouge par exemple était le signe +, vous savez, dans les circuits électriques, la couleur rouge c'est toujours la couleur du fil positif, voilà une chose qui m'intéressait. Lorsque j'ai appris que le rouge était la couleur qui, lorsqu'on balançait dans l'univers les couleurs du spectre, c'est la couleur qui allait le plus loin, voilà une chose qui m'intéressait. Il y a plein comme ça de données qui m'ont intéressé mais qui ne sont arrivées qu'après coup. Le rouge c'est pour moi très vite la notion d'action, d'énergie, de force. C'est un peu ça. Donc au fond, c'est ce qui sous-tend mon travail. Ici, je l'utilise avec des lumières rouges, dans des installations précédentes c'était un sol rouge. Ici, le rouge est très présent dans les papiers, mais c'est vrai que la couleur rouge est très très présente dans les catalogues publicitaires. C'est quand même la couleur qui parfois s'impose le plus.


Q - Elle est devenue pratiquement la locomotive finalement de vos surfaces?


R - On peut dire ça comme ça, oui!


Q - Qui emmène votre [inaudible]...


R - Oui! Oui!


Q - Justement, vous avez parlé de l'ancienne installation où le rouge, je crois, était un tissu, des tissus posés au sol, notamment dans l'exposition que vous avez faite dans la galerie commerciale d'Auchan. Et c'est là, justement, où on peut trouver des liens par rapport à cette exposition, toujours exposer dans des lieux non... pas forcément institutionnels mais, justement, en fait, une nouvelle approche du rapport au public, de l'exposition même du travail mis dans un lieu. Est-ce que, justement, cette notion d'espace et un peu cette appropriation du réel vis à vis du temps et de l'espace est une clé fondamentale dans votre travail?


R - Oui. Oui, oui, sûrement! C'est-à-dire que l'idée que le ... première idée, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai répondu présent à cette invitation ici, où vis à vis des formes dans ma pratique c'est toujours de sortir l'art des limites je dirais des lieux réservés à l'art. Parce que, vous savez, l'histoire de l'art du XX° siècle, c'est quand même quelque chose qui nous dit que construire de l'art c'est au fond sortir de ce qu'on appelait l'art, sortir des matériaux qu'on utilisait pour l'art. Et c'est ce que j'ai fait. Donc si l'art d'aujourd'hui est fait avec les choses de la vie d'aujourd'hui je dirais qu'il me paraît presqu'évident de le sortir aussi des lieux réservés à l'art. Intervenir dans un centre commercial, voilà quelque chose qui était intéressant parce que le public était un public du tout-venant qui pouvait être confronté à une pratique artistique dans un lieu qui ne s'y prête pas habituellement. Intervenir dans un lieu comme ça, dans un entrepôt désaffecté, voilà quelque chose d'intéressant. Mais je peux aussi intervenir dans un lieu muséographique de la même manière. Au fond, on est toujours dans une idée de multiplicité de moyens. On peut être à la fois ici, là et ailleurs. Et je préfère être dans une idée d'addition plutôt que dans une idée de sélection.


Q - Oui, tout à fait! Mais, justement, par rapport à la place du spectateur dans cette addition, est-ce qu'il doit prendre conscience de sa place dans l'espace à la manière justement de... par exemple des travaux de Robert Morris? Est-ce que justement il va agir différemment? Comment voyez-vous sa place réellement par rapport à vos surfaces?


R - En fait, là, je le laisse assez libre. C'est-à-dire un spectateur arrive, peut se promener dans ces surfaces. Il peut se promener là, il peut regarder. Je crois que le... Au fond le travail [inaudible] c'est le visiteur, le spectateur... Au fond, voilà, le spectateur n'a pas à chercher à comprendre ce que l'artiste voudrait dire ou faire, il n'y a pas de message, c'est évident, non, ce sont surtout des propositions dont le spectateur s'approprie les données, des signes plastiques et sonores, et je crois que le travail au fond révèle plus le visiteur dans ce qu'il est que l'oeuvre elle-même. Je trouve très intéressant cette idée que au fond ce que révélerait l'art ça serait peut-être plutôt celui qui le voit que celui qui l'a fait.


Q - Mais, justement, par rapport à cette réflexion que vous avez, on retrouve un peu ce côté très méthodique de certains artistes comme Wolfang Laib ou encore des artistes un peu de Support/Surface qui ont ... transformé des méthodes de faire. Mais, également, vous avez cette liberté, justement, comme on parlait tout à l'heure, de John Cage qui... et d'autres artistes Fluxus qui se servent finalement des instants de la vie. Est-ce que, finalement, ce [inaudible] ce mélange de tout, mais à votre manière et, finalement, vous proposez des expérience à vivre?


R - Oui! Je crois que là vous avez vraiment touché la bonne phrase « l'art comme une expérience à vivre », tout est là-dedans. Et quand je travaille, j'ai souvent le sentiment que je..., suivant ce que je fais, que je rencontre plein d'autres artistes qui ont aussi travaillé de leur côté. J'ai bien compris par ma propre pratique le travail de gens de Support/Surface. J'ai bien sûr bien compris je pense le travail de gens de Fluxus et de plein d'autres. Et, en même temps, on essaie toujours de trouver sa propre place et, en fait, d'être dans un... à la fois dans une rencontre, dans une connivence avec d'autres et, en même temps, dans sa propre rencontre avec soi, pour permettre à ceux qui viennent là de faire leur propre rencontre avec eux-même.


Q - D'accord! Et une dernière question qui concerne plutôt [inaudible] Est-ce que vous vous voyez comme un artiste de l'action?


R - Ah oui!


Q - Par rapport à votre travail?


R - Oui,oui! Le.. Je...C'est cette idée de l'art comme une action. Je dirais que ma pratique, ce que l'on voit, ce que l'on entend, n'est que le résultat de l'action. Le son qui est présent ici n'est pas du décor. Ce son là, c'est celui de notre vie quotidienne dans ce lieu. Nous y avons travaillé. Nous étions un certain nombre de personnes. Il s'est passé des événements visuels et sonores. Chaque jour les couches sonores sont superposées. Un enregistrement du jour est ajouté à un enregistrement de la veille. Et on est bien dans cette notion de l'art comme une expérience à vivre, comme une action. En fait, c'est la vie. La vie est action. S'il n'y a pas d'action c'est l'immobilité.


Q - Et, justement, par rapport à cette action, là, par exemple, ici ,on a la place de l'échelle, de l'escabeau...


R - Oui!


Q - qui fait quoi? Eh bien a sa place ici, dans ces lieux, dans ces surfaces. Mais, également, dans votre exposition à Auchan on avait déjà une première ouverture sur... je dirais sur une échelle plus grande. D'abord vous avez parlé, justement de ces additions, de ces surfaces, de ces instants de la vie collectionnés, en fait de cette échelle finalement de cette liberté de l'infini. Et là, on a chez vous des projets qui arrivent avec l'utilisation de toute une marge d'espace, mais également des projets concernant Mars ou [inaudible]... Est-ce qu'on a chez vous, maintenant, une sorte d'ouverture qui [inaudible], une sorte d'élévation dans votre travail qui va... qui va finalement chercher de moins en moins à se cantonner vers une seule pratique mais, finalement, va tout englober. On pourrait parler de [inaudible].... globale, finalement?


R - Si « global » c'est au sens de rencontres de la multiplicité, des jeux des différences qui sont là, oui. Si « global » c'est au sens de, comment dire, d'unification pour faire une unité, je dirais non. C'est une idée d'addition, de multiplicité plus que d'une seule unité monolithique, hein! Mais c'est vrai que les moyens se multiplient. Les technologies déjà nous offrent aujourd'hui des moyens uniquement ... intéressants à utiliser. C'est vrai que ce projet que j'ai pour un travail sur Mars est un moyen de dire « voilà, je sors... je pousse au maximum de l'espace disponible. On est... C'est comme une [inaudible]...J'ai le sentiment que mon travail est, effectivement, toujours dans une action permanente comme ça.


Q - Peut-être un dernier mot concernant l'exposition en elle-même. Si vous pouviez nous parler ... Comment ça s'est déroulé sur ces quelques jours?

R - Disons, ces quelques jours ont été, enfin ces 2 semaines, ont été 2 semaines de résidence comme le titre de l'exposition le disait. Pendant plusieurs jours, voilà, on était là du matin au soir, à plusieurs, à essayer de faire fonctionner tout ça. Il y avait autour de moi d'autres personnes qui étaient là, qui sont devenues les acteurs du travail. J'aime cette idée que mon travail est un peu proposé comme un musicien qui écrit une partition, et d'autres peuvent interpréter la partition. On peut, c'est ce qui a été fait ici, on peut prendre les surfaces, les sons, pour en jouer. Demain soir nous allons faire une performance avec... nous serons 8 dans cette performance, cette performance va être faite par tous les gens qui ont travaillé ici, nous allons réutiliser tout ce que nous avons fait, les matériaux que nous avons utiliser, les outils que nous avons utilisés pour travailler, et nous ne savons pas quel sera le résultat. Ce qui nous intéresse c'est de nous mettre tous en action devant un public qui va en quelques minutes prendre conscience de notre dynamisme là-dedans. Le résultat ne sera que la conséquence de notre action, c'est à l'image de certaines choses [inaudible ] ce qui s'est passé ici.

Q - C'est intéressant de voir un phénomène assez rare [inaudible] Finalement l'artiste et le spectateur [inaudible]...


R - J'ai toujours rêvé que les gens qui travaillent avec moi, dans mes collaborateurs qui sont là, deviennent partie prenante du travail. Et c'est cette idée qu' en fait le moment de faire est pour eux un moment intense de bonheur, souvent, c'est ce qu'ils m'ont dit.... Demain soir nous allons vidéo-projeter ici à l'intérieur même de l'installation des films documents sur les journées d'installation. Et on verra que ce temps de l'installation, il est l'oeuvre, avec un grand plaisir pour tous les participants. Au fond, s'il y a un mot qui est important pour moi, c'est d'arriver de trouver une force, une couleur, dans ce que nous faisons quotidiennement.


Q - Merci! Merci beaucoup! Et continuer d'aller loin et d'expérimenter.


R - Merci! Merci à vous!.



Copyright © Stéphane Roy / Pierre Pilonchéry 2007




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