PIERRE PILONCHERY

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PROJET MARTIEN


Pierre Pilonchéry

2002



à

Michaël Griffin, directeur de la Nasa

Doug McCuistion, directeur du programme d'exploration de Mars à la Nasa


Lyon, France, 23 septembre 2002


Monsieur le Directeur,


Ceci est un courrier sérieux pour une demande sérieuse.


L’objet de ma demande vise la réalisation sur la Planète Mars d’une intervention artistique dans le but premier d’ajouter quelque chose en forme d’un surplus d’humanité à cette énorme aventure scientifique qui peut captiver l’imaginaire collectif.


Ma demande ne relève ni d’un simple amusement ni d’une recherche du sensationnel. Elle poursuit en toute logique les processus engagés dans mon travail d’artiste depuis plus de 30 ans pour explorer le lien étroit qui peut unir nos instants quotidiens les plus communs à la dimension infinie la plus vertigineuse de l’univers que nous occupons. Tout ce travail en effet (installations, films, textes, musiques, environnements, interventions, et bien d’autres réalisations et projets encore) se développe dans un constant souci d’apporter quelque chose comme un surplus d’humanité pour le monde tout entier. Je peux intervenir tout autant dans un lieu réservé à l’art qu’en d’autres lieux multiples, variés, et même surprenant mais qui tous captivent l’imaginaire collectif, dans un centre commercial par exemple, ou bien sur un terrain de football, ou bien encore dans un paysage de montagne, ou bien sur la place d’une grande ville du monde, ou sur la planète Mars lorsque donc ce sera possible dans les futures missions de la Nasa que vous dirigez. Tout ce travail est une histoire d’amour, inlassablement, pour le monde où nous sommes, depuis sa réalité la plus simple jusqu’à ce qu’il a de plus illimité c’est-à-dire l’univers tout entier. L’objectif premier c’est de permettre à chacun de réaliser sa pleine appartenance à cet univers tout entier dans lequel tous nous existons.


Dans cette logique j'ai construit tout mon travail en l’appuyant sur la couleur rouge. Nous sommes dans un monde de couleurs, les couleurs accompagnent l’histoire et tous les processus de croissance du monde social, incarnent des personnages tout autant que du végétal ou du minéral, créent du symbole et servent de repères, indiquent et signifient, provoquent des sentiments chez ceux qui les voient, circulent et agissent, etc., le rouge est la couleur qui tient tout ça, l’action la force et l’énergie. Voyez les repères colorés des dispositifs électriques, ce sont toujours les fils rouges qui signalent le flux positif du signe +. Les Romains portaient des vêtements écarlates pour se protéger des puissances maléfiques. L’oxyde de fer le pigment le plus répandu sur la Terre devient rouge dès qu’il s’altère. Les couvertures des livres de Jules Verne étaient rouges, cet auteur qui mit son talent et son énergie à partager nos connaissances sur la Terre et l'Univers. Aujourd’hui le rouge est la couleur qui se projette le plus loin dans l’univers lorsque l’on envoie les couleurs du spectre dans l’espace du cosmos où nous sommes. Même en pleine lumière le rouge sera toujours visible. Le rouge comme un fond d’ouverture à l’immensité, comme un flux d’infini dans l’univers où nous sommes. Rouge est l’épithète qui qualifie la Planète Mars. Il est évident et important pour moi, dans le symbole que ça peut signifier, d’intervenir en tant qu’artiste grâce à des scientifiques sur la fameuse Planète Rouge sur laquelle l’homme posera bientôt ses pas de terrien.


Voici, Monsieur le Directeur, une description du projet :L’intervention sera éphémère, elle peut durer après installation seulement quelques secondes, le temps d’une photographie et d'un film, ou rester en place jusqu’à sa destruction par le temps martien.

Ce projet s’insère dans ma série des Imprimages. Les Imprimages sont des interventions produites sur différents lieux du monde, par exemple dans un paysage urbain, dans un paysage de montagne. Le principe est simple et facilement repérable: j'intègre dans le paysage une photographie imprimée sur un textile synthétique d'un morceau de ce même paysage. La dimension de l'intervention peut varier, suivant les conditions, entre 1m et 40m de longueur. A chaque intervention je dessine un morceau de l’infini patchwork du monde où nous sommes. Le spectateur prend alors conscience de sa traversée de ce morceau de l'univers et par imagination de son appartenance à tous les autres morceaux de l'univers, proches ou très lointains.


Comment procéder ? Une photographie d’un morceau de la surface de Mars prise par un satellite ou un astronaute sur place est envoyée en direct par satellite sur la Terre où, réceptionnée, elle est imprimée sur un textile synthétique léger à l’échelle un. Les dimensions du textile imprimé de l’image en retour sera à étudier avec vos services selon le degré de praticabilité et de faisabilité. Dans mes projets terrestres de cette série des Imprimages il peut donc varier de 1 à 40 m. Dans le projet martien, l’œuvre relevant plus du symbole que de l’objet final lui-même, les dimensions peuvent aller de 1 à 10 m. Mais si pour des raisons techniques c’est trop compliqué, 1m suffira pour la force symbolique de l’œuvre.

La 1° mission martienne qui posera le pied sur la planète rouge étendra et fixera à l’endroit photographié la photographie imprimée de ce lieu, dessinant ainsi un autre morceau de l’infini patchwork de l’univers où nous sommes. Le textile imprimé peut rester en place seulement le temps de la photographie et d’un petit film et ne pas ainsi signifier déjà la pollution humaine inutile et destructrice de la beauté naturelle qui reste un modèle à respecter.


En retour, l’installation filmée ou photographiée est alors envoyée en direct sur Terre où elle devient alors un fort symbole du lien étroit unissant toute l’humanité à l’univers tout entier.

- Une photographie de l’image imprimée mise en situation dans son contexte sera prise et envoyée sur terre par satellite. L’artiste et la Nasa se partageront les modes et les droits de diffusion dans un maximum de médias, les journaux, les télévisions, les musées d'art contemporains et surtout le réseau de la toile internet.

- Un film de l’image imprimée mise en situation dans son contexte sera réalisé en y ajoutant le travail de la mise en place de l’image, à la fois comme un document qui pourrait devenir mythique par son effet percutant sur l’imaginaire collectif, et comme étant l’œuvre elle-même tout autant que le textile imprimé. Même cas de figure pour la distribution et les droits du film, qui pourra être vendu aux informations télévisées et aux Musées d’art contemporain qui voudrait le diffuser.


La question de savoir où est l’œuvre entraîne une réponse simple : dans tout ce qui a permis de la conduire à son objectif de réalisation :

les esquisses du projet

les échanges techniques entre l’artiste et la Nasa

le textile imprimée du "morceau" de Mars.

les documents de préparation et d’installation en situation

les documents techniques de diffusion par satellite

la photographie et/ou le film de l’image du "morceau" de Mars installé dans son contexte martien.

Un musée pourra exposer le textile (qui aura été récupéré et rapporté sur Terre, ce qui en fait son mythe) accompagnée des photographies ou du film de sa mise en situation sur Mars.


J’ajouterai un mot, pour conclure, sur l’intérêt pour l’humanité entière de prendre la mesure de l’intervention humaine dans l’exploration spatiale au-delà de son aspect scientifique responsable de sa réussite mais aussi dans son aspect humain de regard et donc de pensées sur notre attachement humain à cette immensité rencontrée dans cette aventure.

La situation aujourd’hui n’est plus seulement française, américaine ou mondiale(globale), elle est universelle. Dans la langue française dans le mot Univers il y a le mot Un (One). Nous habitons un monde rempli d’objets multiples, de parties, de morceaux, qui, à un moment donné, existent en même temps, formant ainsi un immense infini patchwork, celui de la surface de nos existences depuis là où nous sommes jusqu’aux confins de l’univers tout entier.


C’est un morceau de ce patchwork que je veux faire exister sur la Planète Mars et dans notre monde donc, celui de notre univers que nous habitons tous, qui que nous soyons où que nous soyons. Artistes, philosophes, scientifiques travaillent sur un même sujet, le monde .Ce sont donc des morceaux de ce monde que je montre par mon travail depuis sa réalité la plus simple jusqu’à ce qu’il a de plus illimité c’est-à-dire l’univers tout entier. Tout se tient dans la réalité du monde où nous sommes, c’est l’Univers, c’est l’UNité que forme l’infini multiplicité de ce que nous connaissons et ne connaissons pas encore.


Quel rôle peut jouer l’art lorsqu’il cherche à conjuguer tout ce qui peut faire une humanité ? A chaque pas que l’homme pose quelque part l’art peut s’installer. L’art n’est pas plus américain que français, martien que terrien, il est simplement humain. Et c’est là notre gloire.


Pourriez-vous Monsieur le Directeur, avant d’étudier l’aspect technique du projet, me donner une forme d’accord de principe me laissant espérer un intérêt chez vous pour ce projet, très simple mais très porteur pour l’imaginaire collectif par l’appropriation de toute la part de rêve que peut créer l’exploration martienne et par le sentiment de proximité de tout ce qui fait notre univers, pour essayer de le conduire un jour à sa réalisation lors de votre première mission martienne habitée dans un proche avenir maintenant.


Le monde est mon sujet. Les moyens que j’utilise pour créer mes ouvrages sont de mon temps, celui donc du monde d’aujourd’hui qui commence l’exploration martienne. Je laisse donc à votre compétence le soin de juger de l’intérêt de ma proposition. Je ne doute pas que la simplicité me semble-t-il de sa réalisation  ne vous cache pas l’ambition cherchée dans son objectif symbolique à plusieurs niveaux pour l’humanité toute entière. Ce sera alors tout à l’honneur et à la grandeur de la Nasa que vous dirigez.


Bien à vous,

Pierre Pilonchéry, artiste



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