PIERRE PILONCHERY

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NOTES SUR UN PROJET D'OEUVRES PAR SATELLITES 1979-1980


Pierre Pilonchéry

2010



Ce texte est une réponse écrite et envoyée le 23-03-2010 pour compléter un travail de recherche sur mon œuvre.



Les projets d'œuvres par satellites de 1979 et 1980, auxquels tu fais allusion, sont restés à l'état d'esquisses sur le papier et dans mon esprit. Mais ils n'en restent pas moins un moment inoubliable de mon parcours artistique, parce que marquant une orientation inévitable pour moi vers l'idée qui m'était chère alors d'une dématérialisation de l'œuvre pour lui permettre sans difficulté et en toute légèreté de voyager et traverser le monde entier, avec, en fond premier, cette idée d'une addition de fragments formant le tout mais autrement que par le simple montage réel de ses parties pour en former la somme.


Les faramineuses possibilités de la toile internet avec son immédiateté dans les transports d'images et autres n'existaient pas encore et nous n'avions aucune idée de ces proches moyens nouveaux à la disposition de tous aujourd'hui. Lorsque j'ai imaginé et créé dans mon esprit ces œuvres par satellites, j'avais en tête un lieu de réception pour les rendre publiques, le Musée d'art moderne de la ville de Paris, qui m'était cher par tout ce que Annick Yan et moi y avions découvert dans notre vie d'étudiants à l’École des Beaux-Arts.


Comment tout ça devait fonctionner? En fait, assez simplement, sans souci technique du possible ou non de la réalisation. C'était alors le moment de mes grandes surfaces de la série Les Canevassages. J'envisageais de couper en un certain nombre de morceaux ces grandes surfaces très longues à réaliser (je travaillais entre 3 mois et une année sur chacune). Des voyageurs volontaires (comme aujourd'hui les co-auteurs du Walker dans le monde), en partance pour divers "lieux" du monde, emportaient dans leur bagage un de ces fragments pour le photographier accroché quelque part dans leur lieu d'arrivée et devaient (c'était là le point technique très flou du projet : où et comment procéder? mais je ne doutais pas de la faisabilité !) le faire "envoyer" en direct par satellite au Musée d'Art Moderne, via une infrastructure professionnelle de télécommunication, qui le réceptionnait avec tous les autres morceaux en provenance de divers lieux dans le monde envoyés aussi par d'autres "voyageurs" dans le monde.


A Paris, au Musée d'Art Moderne, on aurait vu, sur un vaste mur, s'ajoutant comme sur une grille au fur et à mesure de leurs arrivées, tous ces morceaux virtuels de l'œuvre s'additionner sous la forme d'une gigantesque projection, pour, au final, montrer l'œuvre entière, non dans sa forme matérielle originale mais sous une forme virtuelle qui, me semblait-il, devait offrir aux spectateurs un regard imaginaire sur le monde tout entier. L'œuvre ainsi "exposée" montrait clairement cette idée toujours évidente pour moi que l'important n'est pas ce que nous faisons mais ce que nous en faisons : le voyage de l'œuvre documenté par sa réception virtuelle était l'œuvre. Une œuvre d'art est toujours beaucoup plus que ce que l'on voit.


Copyright © Pierre Pilonchéry 2010




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